Propos recueillis par Séphora Talmud. Photos prises par Elodie Daguin.
Camille Wilmot et Juliette Desplains sont des digital natives qui ont créé leurs métiers de toutes pièces.
Chacune expose son besoin d’entreprendre dans son domaine de prédilection : la musique pour Camille et la mode pour Juliette.
Du lancement de leur entreprise à leurs aspirations de carrière, elles échangent sur leurs envies de réalisations tant personnelles que professionnelles.
Des parcours inspirants à suivre de près…
Votre couleur préférée
Camille Wilmot : Vert
Juliette Desplains : Terre cuite
La ville où vous aimeriez vivre
Camille Wilmot : Paris
Juliette Desplains : Paris
Ce que vous aimez le plus chez un homme / chez une femme
Camille Wilmot : Le sens de l’humour / le sens de l’humour
Juliette Desplains : Un mec à l’écoute / L’audace
Juliette Desplains : Alors, t’es contente d’être mon sosie ?
Camille Wilmot : (rires) Oui, c’est marrant ! C’est vrai qu’on a des traits communs. Effectivement, il y a un truc. Quand j’ai montré des photos de toi à mes potes, ils ne voyaient pas de prime abord, parce que, ce qui me définit, c’est que je suis grande et blonde. Ils m’ont dit “bah non, elle est brune aux yeux marron ». « Oui, enfin, il y a d’autres paramètres », Et là, ils ont commencé à voir « Ha ouais, les yeux, la bouche, les joues…” Ca m’irait bien d’être brune en tout cas !
Juliette Desplains : C’est marrant. T’as quel âge ?
Camille Wilmot : J’ai 29 ans, et toi ?
Juliette Desplains : Je vais avoir 28. Tu viens de Paris ?
Camille Wilmot : Born and raised. Et toi ?
Juliette Desplains : En fait, ici, tous les gens que je rencontre ont des origines, sont métissés. Et moi, je suis 100% picarde. Alors sur Facebook, j’ai mis un pseudonyme “Kilhak”, ça sonne Bulgare et j’aime bien. C’est nul, mais quand on te demande quelles sont tes origines et que tout le monde sort des trucs trop stylés, dire que tu viens d’Amiens, c’est moins exotique.
Camille Wilmot : Tu fais quoi dans la vie ?
Juliette Desplains : Je suis styliste, et depuis un an, je travaille en freelance principalement pour des bureaux de tendance, car je suis passée en stage par plusieurs bureaux entre Londres et Paris. Je donne aussi des cours de stylisme et d’histoire de la mode. Et toi ?
Camille Wilmot : Comme toi, j’ai bossé en agence pendant un certain temps et j’ai monté la mienne, qui est assez confidentielle. Je fais du conseil marques et musique, du booking, des synchros, de la production de musique à l’image. Je viens en renfort d’équipes créatives pour les inspirer, les conseiller sur tout ce qui touche à la musique.
Juliette Desplains : Cool ! Je fais un peu pareil mais version stylisme. Qu’est-ce que te plaît dans ton métier ?
Camille Wilmot : Écouter de la musique tout le temps et faire découvrir des trucs aux gens. Ce que j’aime bien, c’est partir d’un brief qui est tout naze et dire aux gens “ça n’est pas ça que vous voulez” et leur faire écouter le groupe, la musique qu’ils avaient en tête mais sans savoir le formuler.
Juliette Desplains : Tu voyages beaucoup ?
Camille Wilmot : Oui, je préfère les grandes villes à la jungle et à la plage, donc je n’ai pas fait ‘le’ trek en Asie du Sud-Est, en revanche, je suis allée à Shanghai et Pékin… J’étais à New York et Milan récemment.
Juliette Desplains : Dans quel but ?
Camille Wilmot : New York et Milan, c’était pour du scouting de lieux. En général, je travaille avec des marques françaises et des groupes français, et éventuellement, je peux les conseiller à l’international. À NYC, j’ai fait bosser des groupes new yorkais, mais j’ai l’impression qu’il n’y en a plus beaucoup, ils sont tous à Los Angeles maintenant. C’est assez nouveau que je voyage pour mon taff.
Juliette Desplains : Comment tu t’es lancée là-dedans?
Camille Wilmot : En fait, j’avais bossé sur des projets à l’étranger dans mes anciennes boîtes et puis j’ai pas mal voyagé aux USA notamment. Et maintenant, les agences avec lesquelles je travaille me demandent des conseils sur des lieux que je connais. Je vais un peu fouiller, j’ai la curiosité d’aller voir plein de lieux différents et du coup je peux les réutiliser dans mon travail. En fait, c’est un peu ça mon boulot ; exploiter tout ce que j’ai emmagasiné d’un point de vue créatif, que ce soit en musique ou dans d’autres domaines. T’as eu l’occasion de voyager ?
Juliette Desplains : Pas trop, mais à chaque fois c’était assez urbain, dans des grandes villes européennes comme Londres, Berlin ou Barcelone. Ce n’est pas loin, donc je peux y aller pas longtemps, ça bouge, il y a plein de choses à faire, que ce soit la nuit ou le jour. J’aimerais trop aller à New York, je ne l’ai pas encore fait. Et t’as fait quoi comme études?
Camille Wilmot : J’ai une licence de Langues Etrangères Appliquées, autrement dit la voie que tu prends quand tu ne sais pas quoi faire.
Juliette Desplains : (Rires) A chaque fois, les gens disent ça.
Camille Wilmot : C’est un truc de ouf. Mes potes de LEA, aujourd’hui, il y en a une qui est pâtissière, un qui est styliste, une qui bosse dans le vin, une qui fait de la prod photo, une autre qui fait du set design… Donc j’ai fait ça et après j’ai fait un master de communication à Assas, à l’IFP, et mille stages. J’ai commencé par l’édition, et en fait c’est encore plus bouché que la musique. Finalement, j’ai trouvé une espèce de compromis en bossant en agence et en faisant du conseil musique, donc ça c’était cool. J’ai commencé par du conseil édito, mais je n’avais pas le projet de faire ça, c’est arrivé comme ça. C’est une offre qui n’existe pas vraiment, donc quand j’ai monté ma boîte, ça me paraissait assez logique. Et en définitive, il y a pas mal de gens qui en ont besoin.
Juliette Desplains : Ça fait kiffer ce job !
Camille Wilmot : Ouais, c’est cool sur le papier. Je suis au début, donc on me fait travailler sur des budgets minis, je fais des allers-retours parfois très nombreux avec les clients, ce n’est pas non plus l’idéal. Mais je suis quand même assez contente et fière des projets sur lesquels j’ai travaillé. Et toi, qu’est-ce qui te plaît dans ton métier ?
Juliette Desplains : Combiner les choses, la recherche tout le temps d’images, d’inventer des petites histoires, parce que c’est beaucoup de moodboards, de nouvelles gammes de couleurs, donc c’est un bon moyen de me faire un petit film dans ma tête.
Camille Wilmot : Comment tu organises tes recherches ?
Juliette Desplains : Vu que c’est de la tendance, à chaque fois je suis obligée de faire par rapport aux derniers défilés, donc merci TagWalk, et Pinterest, et sinon, je regarde dans les magazines tous les éditos pour chercher des nouveaux noms de photographes. Je suis inspirée par tout ce qui nous entoure. Je peux très bien aller voir par curiosité un spectacle qui ne m’inspire pas à première vue. J’aime la nouveauté, même ce qui est “laid”. J’adore les gens avec les oreilles décollées, par exemple. Récemment, j’ai montré un truc avec un mannequin comme ça et mon collègue me dit “ha mais nan c’est moche, elle a les oreilles décollées !” Mais c’est trop beau, c’est trop charmant !
Camille Wilmot : Tu sais, il y a plein de trucs qui m’émeuvent et qui sont un peu débiles aussi. Par exemple, les trucs de groupe, comme un match de foot, un orchestre symphonique ou le show de Beyoncé à Coachella avec ses centaines de danseurs… Les gens qui ont un projet commun et qui font un truc ensemble, je trouve ça beau, pas forcément visuellement.
Juliette Desplains : T’es dans l’émotion quoi, c’est vrai que c’est beau. D’ailleurs, ton job, il est aussi lié à l’image, même si les briefs sont plus textuels.
Camille Wilmot : En général, les gens avec lesquels je travaille sont soit des agences, soit des marques. Ils ont plus une vision image, comme un set design sur un événement, par exemple. Je préfère partir de ça, parce qu’eux ont cette expertise sur ce sujet-là. Moi, je vais pouvoir faire le bon match entre l’image et la musique. Ca peut être des images de marques déjà établies, donc je pars souvent de leur moodboard, de leurs références, et je leur propose un truc musical qui correspond à leur univers ‘visuel’. Je me nourris aussi de la culture en général. Mes références, je les trouve ailleurs, dans des expos photos, d’art, dans les galeries, au cinéma. J’essaie de me cultiver un maximum, je lis beaucoup. Là, je viens de finir; “Petit pays”, de Gaël Faye sur la guerre civile au Rwanda, c’était hyper bien écrit, très émouvant. Je l’ai lu à la suite de “L’autre moitié du soleil”, de Chimamanda Ngozi Adichie, sur une autre guerre civile qui cette fois a touché le Nigeria dans les années 60… Des évènements historiques que je n’avais jamais étudiés.
Juliette Desplains : C’est intéressant ! Et t’as toujours su ce que tu voulais faire, à peu près ?
Camille Wilmot : Pendant un moment, j’étais un peu stressée de ne pas avoir de projet précis, surtout quand j’étais plus jeune, ça m’angoissait. A la fac, on était perdu, les gens nous poussaient à faire des stages pour acquérir des expériences concrètes, alors que j’étais bien dans mon cocon universitaire d’éducation théorique. Je ne savais pas quoi faire de moi et j’étais en panique. Je me rends compte que ce que je fais maintenant, je n’aurais pas pu l’anticiper, donc désormais je me laisse un peu vivre, même si j’ai des ambitions. Je me dis que ça viendra tout seul si je reste fidèle à moi-même et à mes principes ! (rires)
Juliette Desplains : Moi je ne sais même pas ce que je fais le mois d’après ! A la base, je suis assez angoissée par le changement, mais je m’y fais et limite, j’aime bien. J’ai des pics de stress, et parfois je suis contente de pouvoir me balader la semaine, il y a des avantages, mais derrière ça, il faut être sur ses gardes tout le temps.
Camille Wilmot : Une fois que tu as créé ta clientèle, les gens commencent à t’appeler plus souvent et tu te fais des références, fini les balades en semaine. Le bouche à oreilles, ça marche beaucoup dans mon activité. J’ai choisi le freelance pour l’indépendance, mais en définitive, t’es toujours dépendant de quelqu’un, moi en l’occurrence, je dépends de mes clients. J’avais envie de tester l’entreprenariat, j’ai l’impression qu’il y a de plus en plus de gens autour de moi qui choisissent cette solution-là. Je trouvais ça cool, et en France on a l’opportunité de monter des boîtes, en l’occurence j’ai tenté ça il y a un an et pour l’instant ça me convient. Je ne dis pas que j’aurai pas trop la pression un jour à ne dépendre que de moi-même, être salariée c’est une sécurité mais, pour l’instant ça me convient.
Juliette Desplains : Moi, j’ai choisi sans choisir, parce qu’il fallait que je travaille, et dans la mode, dans le style, c’est compliqué de trouver vraiment un CDI. Ils ne sont pas beaucoup à la tête de cet empire de la prospective. Je me suis mise en freelance pour faire ce que je voulais faire. Sinon j’aurais pu trouver un boulot plus stable, mais dans une autre branche.
Camille Wilmot : Oui, cela dit, moi aussi, s’il y avait une super boîte qui m’offrait un poste avec exactement ce que je fais aujourd’hui, ce que je kiffe faire, sans la partie administrative, peut-être que je le prendrais. C’est pas vraiment une offre qui existe, puisque je l’ai un peu créée pour moi.
Juliette Desplains : Oui, en freelance, on se crée son travail de toute façon.
Camille Wilmot : Ce serait quoi ton plus grand rêve alors ?
Juliette Desplains : Franchement, j’adore ce que je fais et j’adore mes clients ; la première fois que j’ai ouvert un cahier de tendances sur un salon de mode, j’ai su que je voulais faire ça. Dans mes rêves, avoir mon cabinet de tendances, ça serait pas mal aussi. Et toi ?
Camille Wilmot : D’un point de vue professionnel pouvoir continuer à faire ce que je fais, avec des gros budgets et une légitimité super établie. De manière générale, que mes projets se réalisent, que je reste proche de mes potes. Mais comme je disais tout à l’heure, je n’ai pas d’attentes ou d’ambitions particulières par rapport à ‘LA VIE’, les plans sur 10 ans ce n’est pas trop mon ambiance, je fais mes trucs, je kiffe, et je vois…
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